jeudi 11 décembre 2014

« Faut jamais chercher femme dans le mois de décembre ».Méditation sur « POISSON d’AVRIL » de MAGIC SYSTEM

 « Faut jamais chercher  femme dans le mois de décembre »
Méditation sur   « POISSON d’AVRIL » de MAGIC SYSTEM[1].
Asalfo, le lead voice de Magic System et ses amis continuent la SAGA du GAOU. Du  1er GAOU, il passsent à « POISSON D’AVRIL »,  dans une musique enjouée où le comique se dispute au questionnement de l’épicurisme féminin et de la nigauderie masculine. Manifestement, le match entre « LE GAOU » et « ANTOU » continue. Renversement, la go est toujours victorieuse, car, le gaou est niata dans la chanson « poisson d’avril ». Le cri de joie de la Go qui s’exclame : « YOUPI !!!! » donne à penser. En effet, il est l’expression d’une sentence : « tu veux me barrer ? Alors, barre moi ; bon débarras, puisque je ne t’aime pas ! »
Quelle est la structure et le résumé du chant ? Quels sont les thèmes possibles à dégager de cette musique ?
1.      La structure et le résumé du chant
1.1.Quelle est la structure du chant ?
Le chant inégalement réparti  possède  cinq strophes au milieu desquelles, un double refrain intervient.
"Avion fait pas marche-à-derriere
C'est parce que ya pas retroviseur"

L’avion qui prend son envol est lancé ! il y a pas de rétroviseur dans l’avion. Comme quoi, l’irréparable ne se répare pas ; c’est terminé. Si la voiture ordinaire a un rétroviseur, qui guide son come-back, son retour en arrière, dans l’avion ce n’est pas le cas. L’avion peut-il faire demi-tour ?  Oui, mais ici, le poète est très narquois.  
yéhé elles vont me tuer oh
wawa wah elles vont m'assasiner
Le chanteur est en danger ; les femmes vont le finir. A cause d’elles, il est menacé de mort. Elles sont seulement terribles. Le vocabulaire de la mort est présent ici. L’acte de tuer est commis par la femme qui tue l’homme. C’est un véritable amusement de voir cet homme être apeuré par les GO, par les femmes. Eux qui d’habitude se prennent pour les forts, pour les puissants, les voilà qui, sont tremblants comme des poules mouillées. Qu’est ce qui provoque donc la crainte du Gaou ?

Le langage employé est entre le français parlé et le nouchi ivoirien. Reconnaissons toutefois, qu’il y a une grande dominante de la langue française.
Le chant s’intitule, « poisson d’avril ». C’est la preuve que le groupe MAGIC SYSTEM est dans le registre de compréhension de l’acte mensonger.  On se moque des conventions et on se permet de se jouer les uns des autres de vilains tours. Par épicurisme jouissif, le malin ou la maligne est stratégique.  Pour parvenir à ses fins, il lui suffit de monter des stratagèmes. C’est de cet arrière fond que se dégage les personnages qui usent de ruse et de contre ruse. Les personnages sont : « Asalfo », « Antou », « l’ami conseillé », « le conseilleur », « le gaou », « la go du Gaou ». Comment- interagissent-ils ?
1.1.1.      Retour sur la chanson 1er GAOU.
Asalfo, le lead voice, reprend le cheminement de son titre à succès. Revenons sur ce classique qui berça nos montées et descentes dans les kwat et les sous-kwat d’Afrique.
« La Go Antou « sélectionne les amants selon le seul critère du pouvoir d’achat » (Monga,  2009, 84). C’est pourquoi elle (la  Go Antou) a quitté le gaou dans sa galère ; Le Gaou partageait malgré le peu qu’il avait et conduisait sa dulcinée dans les endroits de plaisirs d’Abidjan, précisément, à la Rue Princesse. Une fois que l’argent est fini, Antou a changé de côté.  Elle change de copain. Elle s’offre au plus offrant. Or, usant de ses talents musicaux, Asalfo produit une cassette à succès. Il est devenu une star et passe à la TV. Désormais visible dans les espaces télévisuels, la go Antou revient à la charge car pour elle, « le gaou a percé » ; au Cameroun, on dit, « elle est en haut ». Manifestement, l’éclosion de ce talent a des effets sur le porte monnaie du Gaou. Elle peut revenir afin de « couper » le gaou. C’est à cet instant là que la vigilance du gaou s’éveille ; car, s’il a été nigaud un fois, s’il continue de l’être pour une deuxième fois, il sera vraisemblablement traité de « niata », preuve et manifestation d’une forme d’imbécilité récurrente. Déchoir de naïf à imbécile est la pire des erreurs pour le Gaou. La Go Antou revient sur ses pas et elle donne un discours à son ancien gaou. Elle pense ainsi le « couper » et veut se donner à lui sous la forme d’un présent « prends moi cadeau ». Elle sera désormais sa propriété. Pour montrer qu’il est devenu une personne importante, le Gaou  l’invite au restaurant et demande à la go Antou de décliner les mets qui lui viennent à l’esprit. Il la satisfera. Elle, « la go du ghetto », la galérienne, fait un saut quantitatif et qualitatif. Elle choisit «  le poulet braisé ».  Le Gaou « s’amuse ainsi de ses habitudes de consommation, qu’il assimile au souci de paraître ce qu’elle n’est pas. » Il peut donc lui promettre des plats chimériques tel que du caïman braisé ou du Kedjenou d’éléphant. « La philosophie de la table de Antou » (Monga, 85) distingue les êtres en fonction de ce qu’ils mangent ou du moins est, elle est fonction de ce que l’on ambitionne et désire d’être. Antou permet de se situer au niveau « du nihilisme de la volupté » (Monga, 86). 
Comment Asalfo passe-t-il donc de son dialogue avec Antou dans le domaine de préparation des fêtes de Noël  et par la suite de l’idylle de décembre?  Le Gaou connait les habitudes d’Antou. Il met donc son niata en garde. L’écoutera-t-il ? Il se met donc en dévoilement des risques de côtoyer Antou. Si on prend l’envol du succès musical de  « premier gaou »,  comme l’installation dans une classe des nantis, il faut se demander si les mots « tuer », « assassiner » que le chanteur met dans l’intention d’Antou sont pris dans un sens de la revanche d’Antou. Le succès du Gaou provoque-t-il la jalousie d’Antou ? Une exploration de ce thème de la réussite jalousée est intéressante dans les compréhensions des manières de vivre et de mourir dans quelques villes et villages d’Afrique.
1.2.Résumé compréhensif du chant « Poisson d’Avril »
Le Gaou est en danger. Il a chanté 1er Gaou ; Antou le guette et menace de le tuer. Or, lui, ne fait que dire la vérité sur le comportement délictueux d’Antou et d’une catégorie de femmes qui calculent le porte monnaie des hommes, ou vice versa : les gigolos calculent les porte-monnaie de leurs proies. Sa vision de la femme est peut être réductrice ; mais il convient de suivre MAGIC SYSTEM dans sa lecture critique de l’hédonisme féminin. Asalfo veut continuer de conscientiser la société, mais il se rend compte que personne ne l’écoute, surtout les gaous qui déchoient en niata. C’est pourquoi, il reprend son micro et continue de dénoncer. Il cause donc avec cet écervelé qui ne l’écoute pas. Asalfo conscientise malgré tout son pote. Il met son copain en garde de ne pas draguer les femmes pendant le mois de décembre. « Faut jamais chercher femme dans le mois de décembre » ; Ce mois là n’est pas indiqué pour aller faire des aventures et s’acoquiner ainsi dans des relations douteuses sans lendemain. Les « gos » du kwat et du sous kwat ont deux choses dans la  tête : bien célébrer les fêtes du 24 décembre et du 31 décembre. L’artiste situe à dessein son auditoire dans les réveillons. « La nuit tous les chats sont gris, en veste et sapés », chante Meiway.  On sait que ces dates là sont symboles des moments festifs où les êtres humains se réjouissent. Des réveillons sont organisés ; les bars, les circuits et les auberges,  et les gargottes ne désemplissent pas ; si l’on revient à la mélodie d’Antou, on peut donc réécouter ce qui se passe à ces dates là à la Rue Princesse. Mutatis mutandis, on peut voyager de la Rue de la Joie de Deido, au quartier Pigalle de Paris ; dans ces lieux, un monde en ébullition voit couler la bière à flots ; où ce n’est pas seulement les mains qui dansent, mais c’est l’être entier qui se liquéfie dans la danse et dans la chanson. Pour parler comme Aimé Césaire.  “Et ce ne sont pas seulement les bouches qui chantent, mais les mains, mais les pieds, mais les fesses, mais les sexes, et la créature tout entière qui se liquéfie en sons, voix et rythme.” La Go Antou veut donc être de la fête…. Pourquoi pas ? La vie est si dure qu’il faut se battre. Le problème existentiel de femme hédoniste, en décembre, Asalfo le résume parfaitement : « Comment fêter le 24 et le 31 Decembre oh ». Asalfo célèbre le fait que la Go soit très futée. Elle réussit son coup. N’est-elle pas allée manger au Sawa Novotel ? N’est-elle pas allée dans le plus grand hôtel d’Abidjan ? N’a-t-elle pas dormi avec un membre de la JET7 ivoirienne ? Elle a obtenu du gaou ce qu’elle souhaitait. Terminé.
 L’histoire ne se limite pas au mois de décembre, mois de la « danse de l’être » ; mois où l’être visite l’homme sous les tonalités affectives de la joie reçue. Par la joie, l’être visite le DASEIN (Heidegger). La Go est sortie avec le gaou pendant les fêtes, et après elle voulait le larguer. Elle voulait le quitter. Comment faire donc ? Elle n’a pas d’argument pour le quitter ; elle n’a pas de bonnes raisons. Or, le Gaou, est tellement bête qu’il sera pris à son propre piège. Le mois d’avril, est donc l’occasion de tester si la Go l’aime réellement. Le gars lui fait un poisson d’avril en lui disant que leur histoire doit s’arrêter. Voici l’occasion idoine que la Go choisit ; elle ne lâchera pas cette aubaine ; cette passe décisive du Gaou. Elle ne se paie pas de mots ; elle prend le Gaou au mot. Finalement, le gars a été trop bête ! Il est vraiment niata. On comprend pourquoi Asalfo, est pris de pitié pour ce niata. Une fois de plus, il est tombé dans l’erreur. Gaou, Yako/Assia ! On comprend mieux le « YOUPI !!!! » de la Go qui prend cette sage décision de quitter le Gaou. Malgré le fait qu’il la supplie, en lui disant, « faut pas prendre en mal », les carottes sont cuites. Le YOUPI, c’est la jubilation de la stratège qui a réussit son coup. C’est une forme de cynisme féminin devant un homme niais. « Erreur de Gawa ».
La moquerie féminine sur l’erreur du Gawa est complète. Il insiste, mais c’est décidé. Il a testé « go d’Abidjan » et il a « pris drap ».
2.      Exploration thématique du chant « Poisson d’Avril »
L’hédonisme  de la société pendant les fêtes de fin d’année
Faut-il penser qu’interpréter les fêtes de fin d’année sous la grille de l’hédonisme est-un signe de rabat-joie ? L’on constate seulement que les gens n’ont pas l’agoraphobie ; il faut voir comment les contemporains se préparent à ces fêtes là. Certains ouvrent des tirelire pour cette occasion festive. Le culte du plaisir se conjugue sous plusieurs acceptions, mais toujours par rapport à une seule qui est l’ENJAILLEMENT. Les plaisirs du mois de décembre sont ventraux et bas-ventraux. C’est un hédonisme indiscipliné qui refuse l’ascèse et voit ainsi le monde déferler vers les lieux de détente. Et l’on s’y livre de manière immodérée.  La société consomme
Les relations amoureuses intéressées : dans la chanson « Poisson d’Avril », le thème des relations amoureuses intéressées intervient. Quel est leur but ? Quelle est la stratégie mise en place pour l’amour du compte bancaire ? L’être humain ici, est aguiché et tend de toutes ses forces vers le plus ou la plus offrante. L’on se perd à aimer l’autre parce qu’il a de l’argent. Qu’il soit beau ou laid, l’amour est incolore et inodore. L’on aime par intérêt.  Mieux, on aime pour l’intérêt.
La place du conseil dans une société : Asalfo prend le temps de conseiller les gaous ; il est né dans une société où l’on parle toujours aux amis ; et on les incite à prendre conscience de leur erreurs et des dangers encourus par leurs bêtises. Le conseil est à la jonction des principes et de leur application dans la vie quotidienne. C’est vrai qu’ici, le conseil d’Asalfo et ses amis de Magic System est une mise en garde masculine contre les stratagèmes d’une femme intéressée ; mais peut-on se limiter à donner des conseils à son auditoire ? Ne faut-il pas continuer de diagnostiquer les maux des sociétés sur les plans de l’organisation. Que dire à un père qui abandonne ses enfants ? Que dire d’une mère qui démissionne de son rôle de mère parce qu’elle fait les « activités spirituelles » ?
Le registre animalier :  le chant « Poisson d’Avril » emploie plusieurs mots liés au règne animal. Ce sont sans doute des symboles à comprendre à partir de leur contexte socioculturel.
Que signifie « cabri  de janvier » : dans les insultes courantes de quelques parlers du Centre Cameroun, assimiler quelqu’un à un cabri c’est marquer sa bêtise. Est-ce la même signification chez Magic System ?
Que signifie « chameau de janvier » ? Pris chez le philosophe Nietzsche, le chameau est « la bête de somme qui porte et qui supporte ».  
Que signifie « crocodile de novembre » : une exploration à explorer à partir de la signification du rôle du crocodile dans les contes et proverbes africains. Quel est le rôle du crocodile dans la mythologie égyptienne ?
En somme, Magic System critique les manières de vivre africaines ; ici, dans « Poisson d’Avril », les thèmes évoqués viennent du constat de l’épicurisme prédateur féminin, de la nigauderie masculine : est-ce la revanche de la femme ?
https://www.youtube.com/watch?v=lzyDGXCNPq8

AFX





[1] Pour une connaissance du groupe « MAGIC SYSTEM », l’on peut se référer à l’encyclopédie, http://fr.wikipedia.org/wiki/Magic_System

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