samedi 28 février 2015

ON EST ENSEMBLE-NOUS SOMMES ENSEMBLE

Entendu au moment où deux Camerounais ou Camerounaises se disent au-revoir, l’expression « on est ensemble » est à comprendre dans son sens large et approfondi. C’est ce à quoi nous convie ce modeste retour sur cette phrase pleine de sens.
Cette expression est portée par une forme d’intersubjectivité ; je ne suis pas seul au monde ; je suis au monde avec les autres. Grâce à eux, je peux me cultiver, m’instruire ; ils participent ainsi à ma croissance humaine et spirituelle. Ils me permettent d’avancer. Leur présence participante à ce que j’entreprends m’édifie.
Le "on est ensemble" est aussi et surtout un motif de se porter, de se supporter et s’apporter mutuellement du soutien dans un labeur qui se construit par les autres qui m’aident ainsi.
Cette expression est portée par une forme de communion d’esprit qui nous rassemble, qui nous unit, qui nous fédère au-delà des nos différences. La communion fraternelle construite sur l’amour et le respect mutuel veulent donc que dans cette pirogue qui nous porte sur les eaux, il sied de respecter la place de l’autre. Nous sommes dans la même pirogue ; si elle chavire, nous chavirons tous. Le « on est ensemble » intervient comme la base de la construction de la relation interpersonnelle, familiale et elle peut aboutir à une véritable prise au sérieux de la place de chacun dans la nation.
Quelle est la place que je réserve à l’autre ? comment est ce que je travaille à ce qu’il soit dans la paix, dans l’harmonie avec lui-même ; une compréhension du « nous sommes ensemble » désire donc voir une nation construite sur la justice, le respect du droit et des libertés fondamentales. Qu’est ce que vivre dans le bonheur si d’autres par contre végètent dans la grande pauvreté, la grande précarité, la grande humiliation due à leurs conditions tristes de vie ? Peut –on donc dire en ce moment là que « nous sommes ensemble » ? N’est ce pas justement le moment de revenir à la raison et travailler pour ces situations frustrantes soient éradiquées par tous ?
Cette formule, du « nous sommes ensemble » est en somme, une motivation, un mot très fort qui rassemble, assemble et fait vivre les uns par les autres. C’est une éthique de la rencontre, de l’accueil et de la compassion vécus. Le mot « on est ensemble » marque la volonté de tous de se rencontrer et de s’édifier mutuellement.  On n’est jamais seul au monde, dans une hospitalité vécue dans la vérité, l’on se reçoit les uns les autres, l’on vit pour s’aider, s’entraider.
Dans les situations difficiles vécues par la Nation, cette expression nous motive et nous fait nous serrer les coudes; revenant ainsi à tous les proverbes qui font la force de notre culture. 
To be continued..

Akono François-Xavier.

Escapade sur le Mont Cameroun, Le char des dieux

Haaaa le 21 février 2015 !

Se fut mémorable en tout point ...
Parti de Douala le vendredi soir, le duo de choc a eu le temps de visiter la zone estudiantine de Buea (ville du sud ouest Cameroun dans laquelle se trouve se mythique mont) lors d'une balade pédestre et de prendre quelque force pour l'escapade en montagne.

Samedi 21, très motivé et ravie de refaire cette ascension mythique, nous sommes allés à la rencontre du char des dieux, prêt de 4km à parcourir. Accompagné d'un guide très sympathique, nous avons battu notre record de temps pour atteindre le dernier refuge qui se trouve à environ 2 800 mètre. Nous avons sur le trajet rencontrée la reine Sarah Etonde (7 fois championne féminine de la course de l'espoir qui se déroule sur le parcours que nous allions suivre), le DG de l'entreprise Hysacam et ses collaborateurs, profité de la beauté du paysage et discuté avec d'autres passionnés (en français ou en anglais).

Motivé par cet exploit nous avons décidé de faire le chemin retour le même jour et de dormir à Douala ... Sur le retour nous avons compris pourquoi la course a été baptisé ''course de l'espoir'' ... En effet, il a fallu beaucoup d'espoir et de courage pour descendre parce qu'il fallait surmonter les douleurs du corps et les difficultés du trajet: malgré tout nous avons atteint notre objectif. La question sur la méthode adoptée par les coureurs pour ne fait qu'environ 4h de temps (allé et retour) reste tout un mystère.

Retour à Douala, retour à la réalité et à ses péripéties ... Comme pour beaucoup d'autre chose, il ne nous reste plus que les quelques images prises et nos souvenirs...

Merci !!

jeudi 5 février 2015

Note d’écoute : « LA NATION » de DEBORDO LEEKUNFA.

Note d’écoute : « LA NATION » de DEBORDO LEEKUNFA.
Mon habitude de mélomane me conduit à une chanson : « LA NATION » de DEBORDO LEEKUNFA qui chante en général en Eburnie, et fait danser au rythme du "coupé-décalé".  Je veux comprendre le contexte de l’inspiration de l’artiste ; le contenu de sa chanson. Voilà les deux parties qui vont structurer mon argument selon lequel : la nation est une entité à bâtir ensemble. Une question délicate : chante-t-il pour la Côte d'Ivoire? De quelle nation s'agit-il? Il est difficile de le savoir; sans doute que son propos certes contextuel a valeur d'interpellation des hommes et des femmes de son temps. Notre méditation sur le contexte d'éclosion de son propos, nous le situons au pays de l'Ivoire. 
Le contexte proche de composition de la chanson

Parue aux environs de 2011 (du moins, si l’on juge de son post sur le site de divertissement https://www.youtube.com/watch?v=_Km4Iq6dAto) la chanson, « LA NATION » du musicien DEBORDO LEEKUNFA est contemporaine des troubles politiques d'Eburnie. Ce pays  a connu le coup d’état, la Rébellion des Forces du Nouveau, les événements post-électoraux de 2011 qui virent plusieurs morts pour cause de querelle autour de la personne qui a gagné les élections présidentielles : « ---- » ou « ---».
C’est la preuve que le citoyen DEBORDO LEEKUNFA, qui joue de la musique n’est pas indemne de ce contexte qui motive son inspiration immédiate. Il est remarquable que l’acte citoyen se pose non seulement en une critique des politiques mortifères mais ramène à la conscience du vivre-ensemble dans un même espace dénommé la nation.
Certes l’étymologie du mot « nation » dans le contexte eburnien a vu l’éclosion du mot « éburnité » qui est une excroissance interprétative du fait d’être né de Père et de Mère éburnien. Le critère de naissance d’originaires de la nation est donc ce vecteur d’exclusion pour qui veut postuler aux charges présidentielles. C’est un débat qui est dangereux qu’il faut interroger philosophiquement afin d’éviter de telles dérives d’appartenances.
Si tel est le contexte polémique de production de cette musique, comment comprendre l’intention de l’artiste ? Et quels développements critiques pouvons-nous émettre sur la base des paroles dudit chant ?
La structure de la chanson
Le chant se compose d’une ouverture, d’un corps et d’une sortie. Que nous dit le texte ?
L’ouverture
L’ouverture ou l’introduction est une parole sur fond musical d’invocation priante ; on y entend, « bolingo, ya solo »  (l’amour vrai traduit du Lingala); en arrière plan du texte, l’âme du mélomane est transportée par un air spirituel qui l’accueille par le souffle infusé des instruments. Qu’est ce qui justifie cet élan spirituel ? Est-ce un appel à l’amour ; un appel à s’aimer les uns les autres ? L’interprétation sera examinée au fil du corps du texte. Est-ce une manière d’exorciser les démons de la division qui hantaient son pays ? Est-ce pour appeler Dieu au secours de l’humanité qui se déchire ? Est-ce une supplication mélodieuse adressée au Père de tous les humains ? L’interprétation plausible qui écarte la référence au divin est toutefois reprise par les harmoniques d’amour qu’inspire cette introduction. Elle peut être interprétée comme une prière d’introduction sous forme de supplique,  pourrait se lire comme un appel à Dieu ;  cette ouverture a les airs d’une invocation qui veut apaiser.  
Le développement du texte de la chanson

Je m’appelle « au pas la nation »
« Désormais je m’appelle OPA LA NATION, tu le sais ;
ALORS, mon devoir c’est de mettre la NATION, OPA »
Cette séquence phraséologique  est la marque d’une personne qui se lève et se soulève contre sa propre inertie. L’adverbe « désormais » qui précède la position de soi comme « JE » est à la fois une rupture et un nouvel élan. C’est un réveil brutal comme après une nuit cauchemardesque ; l’artiste invite à s’interroger ; avant qui était-il ? Quel était son statut au sein de la société d’Eburnie ? La nomination de « soi »  est posée à la première personne du singulier : « JE ». La précédence de la nomination de soi qui est suivie par la nouvelle détermination est une rupture entre le désordre et l’ordre. Je me nomme « au pas la nation » signifie la décision de se poser comme un maître qui redresse ce qui est courbé.  Remettre les choses dans leur vrai ordre ; et dans leur vraie finalité. La notion de « nation » qui est usitée est celle d’un ensemble géographique qui comprend des personnes nées au sein du même territoire. L’artiste est en cela fidèle aux définitions de ce qu’est la nation disponible en philosophie politique ou en sciences politiques.  Nous y sommes nés, et nous vivons. En cela, il rejoint la définition du dictionnaire le Petit Robert, qui fait de la Nation « un groupe humain constituant une communauté politique, établie sur un territoire et personnifié par une autorité souveraine ». Certes, comme mentionné dans le contexte d’éclosion de son chant, il sied de s’interroger si réellement la Côte d’Ivoire représente une « communauté politique », un ensemble de citoyens réunis au sein du même territoire.  Nous ne reviendrons pas sur le questionnement que la notion de nation connut dans les développements des sciences politiques et de la philosophie politique occidentale.  Nous nous concentrons plutôt sur l’usage qu’est fait par l’artiste dans cette musique qui interpelle.
Comment va-t-il redresser la nation ? S’il se dénomme désormais « AU PAS LA NATION », il casse l’inertie par une prise de parole responsable. Il est un sujet d’imputation morale qui assume ses propres paroles ; ses capacités pensantes s’orientent dès lors, vers une contestation qui a pour mot phrase et mot motivant : « je dis non » qui reviendra tout au long de la chanson. Ce pouvoir de dire « non » que l’artiste pose est situable dans la tradition de philosophie critique qui est une véritable contestation par la force de la critique.
La réflexion critique est l’une des possibilités de l’être humain. C’est réaliser sa vocation humaine que d’habiter le questionnement qui pèse et évalue les situations humaines. Critiquer c’est donc émettre un jugement ; c’est venir à la racine des choses et les évaluer sérieusement. Réfléchir, selon le mot de Hannah Arendt, « cela veut toujours [dire] penser de manière critique ; et réfléchir de manière critique, cela signifie que chaque pensée sape en fait  ce qu’il y a de règle rigide et de conviction générale ; » en cela, l’artiste rejoint la sphère critique de la vie sociopolitique. Il pense. Il conteste. Il examine de manière critique son propre contexte, sa propre nation.  C’est pourquoi sa prise de position est un énoncé qui secoue les dérives des politiciens.
Je dis non aux politiques de division
Le propos critique de l’artiste s’adresse aux dirigeants politiques. Il ouvre son propos par une supplication qui marque aussi un dépit « é, Dieu », est ce qui entendu en Eburnie quand une personne est dépassée par un événement et qu’elle souhaite en retour la voir s’améliorer. L’exclamation « é Dieu » est donc une prière, un appel à faire autrement les choses. C’est prendre le créateur à témoin devant les égarements des faux leaders. L’artiste est respectueux de ses dirigeants ; c’est pourquoi il énonce des propos incisifs à leur endroit.  Soucieux de toucher le cœur des dirigeants, il emploie le mot affectif de « papas » ; les dirigeants politiques pour DEBORDO LEEKUNFA sont la figure du papa qui est rappelé à son devoir de protection, de sécurité et d’aide à faire grandir la maisonnée. L’on comprend mieux pourquoi, il emploie dans la suite du chant, la métaphore de la Nation comme une famille. Les liens de la nation s’inspirent de la famille dans la mesure où ils se reçoivent du même héritage à la fois biologique et spirituel, culturel et humain. La famille connait ses tensions, ses déchirures mais il importe de se mettre au dessus et de recoudre le tissu fraternel distendu par une incompréhension. « La famille, rien que la famille ». Par l’appel au sentiment familial, l’artiste est peut être dans le registre affectif ; mais il lui revient néanmoins d’interpeller la famille par des questions adressées aux responsables.
Que demande-t-il aux dirigeants ? Sa volonté de mettre la nation au pas est une interpellation à éviter les politiques de violence. Quels sont ces dirigeants qui sont si radicaux qu’ils décident de s’entretuer et de tuer les innocents ? Cette interpellation est grosse des morts inutiles que l’ambition politique a causée. Une telle pratique est la partie la plus abjecte de la politique qui se confond dès lors à la transgression des interdits de voler et de tuer. L’artiste a contrario invite les dirigeants à se distinguer par le respect de l’injonction éthique : « tu ne tueras point ».  Le visage d’autrui (E. LEVIANS) qui se présente devant le bourreau est une supplication ; un renvoi à l’humanité en lui et chez lui. C’est le retour à la question de Dieu à Caïn : « Qu’as-tu fait de ton frère ? » ; « suis-je le gardien de mon frère ? » Oui, tu es le gardien de ton frère qui te regarde et te dit qu’il veut vivre.
L’artiste, en plus de cet appel à la morale de la responsabilité politique, nous oriente également à observer le domaine des pulsions mortifères et mortelles. Il est possible d’interpréter son mot « Arrêtons tout ça » dans le sens d’un questionnement des pratiques thanatocratiques. C’est l’insistance à questionner tout ce qui dans la société tue et anéantit l’autre, soit par rapport à ses opinions politiques ou religieuses. Quels sont ces citoyens qui veulent se détruire et coïncider avec les forces de violence qu’ils portent en eux ou en elles ? Par ce retour à ce qui anéantit, il est possible de revenir au mythe égyptien d’Isis et d’Osiris qu’affronte le couple Seth et Nephtys. Le monde est ainsi divisé entre des forces de vie et des forces de mort qui s’opposent dans le cœur humain et dans la réalité.   Mais il ne s’arrête pas en si bon chemin ; il propose de quitter le « ça »  dans l’inteprétation freudienne de pulsion mortelle dans l’une de ses dimensions.
Pour des politiques du dialogue
Comment dépasser les politiques de division ; ne faut-il pas s’asseoir et discuter ? Tel est le pas constructif de la chanson. « Pardonnez, asseyez-vous discutez ». DEBORDO LEEKUNFA insiste sur des dimensions de la politique comme espace dialogual entre des partenaires sociaux. Il appelle les dirigeants à avoir la culture du dialogue constructif. Les normes de cette construction passent par l’inscription à se regarder, à cause et à discuter autour de l’arbre à palabres. Convoquer ainsi toutes les franges de la population au dialogue constructif requiert que chacun abandonne sa position et accepte la vertu du pardon.
Que signifier dialoguer ?
Pour aller plus loin, mettons DEBORDO LEEKUNFA en transversale avec les pensées de Fabien Eboussi Boulaga et Eric Weil. Il est possible de comprendre son propos « asseyez-vous discuter » dans le sens de la palabre et de la discussion.
La palabre est convoquée pour résoudre des différends ; les membres du clan sont invités pour prendre part aux assises et à chacun est donnée la parole. Les protagonistes du conflit montrent déjà qu’ils veulent résoudre le conflit. La participation des uns et des autres est collégiale et marque la ratification de tous aux conclusions des assises. La place du chef bien que prépondérante n’implique pas qu’il faille infléchir sur les décisions à prendre ; ce sont les anciens qui président ; ils délibèrent ; en fonction de leur âge, il leur est interdit des positions partisanes.  La confrontation entre les deux parties est totale, elle donne à connaître les sources du conflit, c’est  à l’assistance de montrer les torts, en recourant au contre interrogatoire ; le jeu de la réciprocité dans les échanges sera-t-il respecté ?  Peut-on employer l’éthique de l’harmonie de la palabre dans les institutions politiques et démocratiques ? Par contre, pour Éric Weil, la discussion est le socle de l’État constitutionnel car il s’agit désormais d’un échange humain ou la parole est échangée par une éthique de la discussion. Il suffit de fixer des règles de procédures en vue du bien commun. Le bien en lui-même devient sujet de la discussion qui peut s’appliquer au droit et à l’interprétation de la tradition. La communauté devient ainsi structurée par le langage. Elle peut chercher la vérité dans la discussion aristotélicienne. En fait, dans la discussion, l’homme peut opter pour la vertu. La discussion peut également se démocratiser dans les institutions.


La conclusion
L’artiste sait bien que ses propos vont choquer son auditoire ; et, pour finir, il salue révérencieusement son auditoire par un galimatias que lui seul comprend. La chanson s’achève donc par le fait de s’excuser les sensibilités et les mauvaises habitudes. Son mérite c’est d’avoir pensé de manière critique. La pensée critique qui secoue les chemins connus de médiocrité implique de s’installer dans l’inconfort de la pensée questionnante.
Tout compte fait, le texte est  un mélange de langues africaines et d’onomatopées qui appartiennent à l’animation musicale des DJ. L’un des paroles intéressantes est celle celle où il dit « a lobi kitoko » (il a bien parlé). Concluons par les mots de l’artiste qui nous a conduits à travers une méditation sur le sens de la « nation ».  « Les politiques divisent ma nation, je dis non ; les politiques veulent détruire mon pays, je dis non ; faut pas la nation que je suis, je dis non »
 « Pardonnez, asseyez-vous discutez »
 « La famille, rien que la famille »
Merci l’artiste ! mais prochainement, fais moins d’ATALAKOU des sportifs ; je te taquine car, ce sont sans doute tes sponsors majeurs.  Mais peut être "y'a même pas l'homme", comme tu le dis. Clin d’œil.
Akono François-Xavier.